Les Services compétents

Iegor Gran

P.O.L.

  • Conseillé par (Libraire)
    29 avril 2020

    Dissidents

    Un livre qui s’imposait à lui sur une période historique absolument passionnante sur la nature humaine, autant sur la résistance intellectuelle fascinante que sur la médiocrité de quelques-uns devenant grotesques à force de petits pouvoirs et d’endoctrinement partisan et donc d’enfermement. C’est en Russie, dans la période dite de « dégel ». Ses parents à Iegor Gran sont André Siniavski et Maria Rozanova, dissidents soviétiques. Dans la revue Esprit, en 1959, un texte sera publié sous le pseudonyme d’Abram Tertz et attirera les foudres du KGB, des services compétents, qui discuteront des valeurs de ces écrits à la lumière de ce fameux « réalisme socialiste ». Des années durant la traque s’organisera pour découvrir qui tient la plume. Des années durant les limiers seront sur la trace de ce dissident, qui lui vivra passionnément cette période qui l’inspirera. L’extrême force de ce roman est de restituer ce climat où la paranoïa flirte avec une « formidable » absurdité. Quoique c’est peut-être lié. Folie des hommes qui conduit à prendre des arrêtés ubuesques, des peines de morts déguisées en peines de vies qui enverront des intellectuels au Goulag. Pratique diligente de la présomption de culpabilité, ces départs d’hommes de lettres en feront des mi-hommes, des bêtes en survie, mais certains de ces hommes laissant leur apparence aux portes de la geôle deviendront des esprits en éveil, où chaque parcelle de vie sera consacrée à l’art de dire, d’écrire et de témoigner. Ces hommes ont une force autre. Après sept années dans les camps, c’est le minimum…, André Siniavski, revient courbé tel un vieillard, le dos en charpie, édenté, marqué à vie par des années qu’il décrira comme les plus puissantes de sa vie. C’est la revanche de l’intelligence. Celle de revenir et de démontrer que les actes et lieux pensés pour briser ne font que renforcer, ne font qu’embellir, ne font que sublimer. Sublimer, ici, l’esprit. Le médiocre n’en sortira que plus médiocre alors.

    Le livre de Iegor Gran est drôle car ironique mais non mordant, d’une ironie de description seulement. Le tableau se suffit à lui-même. Iegor Gran aime préciser que la citation la plus célèbre de son père est la suivante : « Je n’ai, avec le pouvoir soviétique, que des divergences esthétiques. » Distance tenue entre eux et lui. Regard toujours porté sur l’incohérence et l’injustice. On suivra aussi et surtout les officiers du KGB qui traquent l’écrivain. Leur quotidien est dicté par leurs chefs, leur avenir également. Bons petits soldats, ils n’essaient pas trop de réfléchir, ils essaient de survivre dans un monde de dupes et de délations. Ils suivent et comme dans « La vie des autres » ils ont, parfois, le sentiment que leurs vies leur échappent. Pour conclure, un homme est encore plus fort accompagné. La force d’un couple. La beauté de la citoyenne Rozanova qui, droite, effrontée, malicieuse, digne et forte fera face aux interrogatoires, aux venues des officiers. Face à l’absurdité reste l’intelligence de l’être. Un grand roman, un coup de cœur de votre libraire,


  • Conseillé par
    19 janvier 2020

    Poursuivi par le KGB

    Iegor Gran raconte l’histoire de son père, le dissident russe André Siniavski,
    victime d’une traque littéraire orchestrée par le KGB sous Khrouchtchev. Le
    roman relate la répression systématique de toute littérature dissidente, en
    même temps qu’il fait la peinture d’une époque et d’un pays communiste pris
    dans ses paradoxes. Burlesque, ironique et instructif, en un mot passionnant,
    « Les Services compétents » est l’un des meilleurs livres de cette rentrée.

    C’est en 1959, six ans après la mort de Staline, que paraît en France dans la
    revue « Esprit » un traité d’esthétique ironique sur le réalisme socialiste.
    Suivront d’autres textes de style fantastique signés du pseudonyme d’Abram
    Tertz.

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