Mécanique de la chute...

Jour 9 : mercredi 25 mars - 18h50

 

Mécanique de la chute....

 

Connecté, hyper-connecté, informé ou sur-informé. Notre quotidien s'apparente actuellement à une quête de l'info, à la dépendance aux chaines de l'information, qui, comme les grandes surfaces culturelles, possèdent dès leur appellation un "je-ne-sais-quoi" qui me fait saigner le tympan droit.

 

Semaine dernière, un peu sous le choc, nous avons, comme tous, été piégés par cet écoulement du temps et de cette importance de savoir à défaut de comprendre. Savoir qu'on ne sait rien finalement et que nous sommes tous dans cette similaire ignorance. Société de l'info ou de l'intox...

Et puis finalement la télé est éteinte depuis le lundi 16, depuis le discours du Président de la République, comme d'habitude donc. Nos canaux habituels d'informations ont repris le relais, radio, webzines, amis, sites scientifiques, journaux en ligne. Sommes-nous mieux informés, cela reste à vérifier.

Puis nous nous sommes coupés.

Nous posons les smartphones, nous délaissons les écrans d'ordinateurs, nous délaissons le décompte funeste, nous nous calfeutrons, nous nous protégeons d'une anxiété croissante, et nous communiquons, nous échangeons via des courriels, via des SMS, via le téléphone à l'ancienne, quoique nous nous sommes modernisés, grâce à nos libraires, de belles cyber-réunions hebdomadaires permettant de garder le contact avec Anaïs, Juliette et Léa.

Nous nous ménageons des pauses, des pauses loin du chaos, loin du fracas. C'est un peu égoïste mais me semble t-il essentiel pour que le cerveau puisse continuer à fonctionner en solitaire.

 

L'Internet est un formidable outil mais comme tout outil il faut savoir s'en servir.

Par exemple, trois minutes de bêchage me suffisent pour choper un mal de dos carabiné, le même temps pour des ampoules en ratissant l'allée.

 

C'est aussi un formidable outil qui permet de garder le sourire. Nous avons des amis devenus maîtres dans l'art de dénicher des perles d'inventivités de la part des humains, si si. Détournements de vidéos, fausses pubs, parodies, petits clips tordants... Le grand Pierre, oui celui-ci, Maître Desproges aurait été satisfait de voir que le rire rassemble, rire à défaut de guérir soigne des maux.

 

Les chaînes d'informations, ces réseaux sociaux peuvent tuer comme autrefois un bon mot en société, n'est ce par Beaumarchais. J'en suis convaincu depuis longtemps. Je me souviens de l'état de nervosité, d'affolement quasiment, d'enfermement psychologique, ressenti lors de la lecture l'été dernier de "Mécanique de la chute" de Seth Greenland, ce nouveau "Bûcher des vanités" où un homme à qui tout réussit se retrouve tout au fond, au sous-sol de la société pour un instant de faiblesse. Il perd sa toute puissance, devient celui sur qui cracher, celui qu'il faut haïr.

Ce livre m'a dérangé dans mon confort, là réside une des forces de la littérature d'ailleurs, celle de déranger.

Avec une minutie d'horloger suisse Greenland décrit étape après étape cette mécanique inexorable. La presse, les réseaux sociaux, ces chaines d'informations d'experts usurpateurs, tous, après avoir adulé l'homme, avoir tremblé devant sa puissance, l'avoir sollicité pour des causes, tous le lynchent. Voilà, un lynchage public, un lynchage où le voyeurisme obscène et morbide se rassasie, cette joie mortifère de voir l'autre tomber.

C'est la peur que j'ai depuis longtemps devant la puissance donnée à ces réseaux prendre corps et mon âme dans un seul livre. Bien aidé par les avocats, les politiques, les opportunistes, les arrivistes, cet homme, Jay Gladstone, se retrouve seul, incroyablement seul.

 

Remarquez il sera peut-être bien ainsi, seul et coupé du monde.

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"Mécanique de la chute" - Seth Greenland - Éditions Liana Levi

 

"Plus personne ne s'intéresse aux tragédies des rois. Cette époque est révolue. De nos jours, la question est de savoir qui est le plus lésé, qui gémit le plus fort. Quelqu'un comme vous n'a pas le droit de se plaindre. Interdit! Les gens se moquent de votre histoire. On vit à l'Ère des Victimes, et vous êtes mal placé pour jouer les victimes. Vous savez aussi ce que vous n'êtes pas non plus? Un héros. Vous, mon vieux, vous êtes le méchant. Notre boulot, c'est de faire de vous le héros."