Confinés à perpétuité

Jour 15 - mercredi 1er avril - 20h40

Confinés à perpétuité

L’image contient peut-être : texte qui dit ’En Palestine, les prisonniers politiques sont menacês de contamination. Tu verras, c'est mieux qu'un masque!’

Ouf ! J'ai enfin terminé de compter les cartes postales et les marque-ma-page... Je me suis aussi coltinée les gommes, les crayons de papier et les grains de café. Je crois que je me suis trompée, mais la flemme de vérifier...Surtout pas un mot à Jean-Baptiste. Je me suis d’ailleurs laissée dire qu'un client mal intentionné dont je tairai le nom (il a laissé un commentaire ce matin et son prénom commence par un F) dissimule délibérément des articles afin que je m'emmêle les pinceaux. Ah oui les pinceaux aussi...

Pour me remettre de cette matinée digne du bagne, cet après-midi je glande, du verbe glander, premier groupe, perdre son temps à ne rien faire, être improductif. Je prends l'air sous le ciel immaculé (comme hier) qu'aucun nuage ne vient troubler (ah si un cumulo-nimbus en forme d'éléphant...). Je me confine dehors. Oui c’est une antinomie (mes excuses à Alain Rey) mais pour beaucoup c’est une réalité, celle des SDF, celle des migrants. Ceux-là se confinent dehors par tous les temps, sous des tentes de fortune ou parfois des hangars, ne disposent pas de point d’eau pour se laver les mains et sont obligés de se rassembler bien malgré eux pour avoir accès à une distribution de nourriture.

D'autres se confinent à tous les temps : J'étais confiné, tu es confiné, il, elle, on sera confiné, dehors, dedans.

Comme les Coréens du Nord par exemple. Le bien nommé Kim-Jung Un prend tellement soin de ses concitoyens que même le coronavirus ne peut pénétrer cette forteresse à ciel ouvert. J’apprends pourtant que le dictateur a fermé les frontières (N’étaient-elles pas déjà fermées ces frontières ?) et cherche par tous les moyens à se procurer des masques.

Ou comme les Palestiniens. Je pense plus particulièrement à la Bande de Gaza même si la Cisjordanie est touchée elle aussi. Comment un petit territoire comme Gaza, presque deux millions d’habitants, d’une superficie de 365 km² avec une des densités de population les plus élevée au monde, va pouvoir affronter l’épidémie ? Comment cette prison à ciel ouvert, déjà complètement asphyxiée, manquant d’eau potable va-t-elle faire face avec seulement 60 lits en réanimation et un système de santé dérisoire ? Les Gazaouis et les Cisjordaniens, obligés d’aller travailler chaque jour en Israël pour nourrir leurs familles, sont maintenant sommés par les autorités israéliennes de rester sur leur lieu de travail pendant trente jours. Ou vont-ils loger alors que l’Etat d’Israël a lui aussi déclaré le confinement ? Et que penser des colons de Cisjordanie, pour la plupart des ultra-orthodoxes, des Haredims (« craignant Dieu ») qui font fi des directives, se rassemblent au Temple ou arpentent les rues malgré les rondes de la police Israélienne et partagent ainsi largement leurs microbes ?

Alors pour ne pas oublier qu’en ce moment lorsque je me fais arrêter ce n'est que par des gendarmes qui veulent juste savoir si j’ai bien rempli mon autorisation et non pas par des policiers armés jusqu’aux dents qui contrôlent un check-point ; que quand tout sera fini, je pourrais demander un beau visa sur mon passeport pour aller voyager « où que j’voudrais » ; et que le seul malheureux truc qui peut me tomber sur la tête, c’est le ballon de mes enfants jouant au foot ;

Alors pour ne pas oublier, disais-je, et bien je vais farfouiller dans notre bibliothèque et je retrouve des trésors :

« Palestiniens « dans la très belle collection lignes de vie d’un peuple par les éditions Ateliers Henry Dougier ; un pays raconté à travers les témoignages de ses habitants.

L’image contient peut-être : texte

« Imago » de l'ami Cyril Dion, que nous avions reçu à la librairie, chez Actes Sud qui retrace la trajectoire de deux frères palestiniens, habitants de Gaza, diamétralement opposés, l’un trouvant son salut dans la violence, l’autre dans la conciliation ;

L’image contient peut-être : une personne ou plus et personnes debout, texte qui dit ’CYRIL DION IMAGO’

« Un printemps très chaud » de Sahar Khalifa, auteur palestinienne, aux Editions du Seuil qui brosse un portrait saisissant, sans parti pris, de son pays et de l’avenir des jeunes Palestiniens mais aussi des jeunes Israéliens ;

L’image contient peut-être : chaussures

« Little big bang » de Benny Barbash, auteur israélien, Zulma Éditions qui signe une fable caustique dans laquelle un homme, après avoir avalé un noyau d’olive, voit son oreille fleurir et donner naissance à un olivier. Un regard juste sur le conflit israélo-palestinien. Sans oublier "Palestine" d'Hubert Haddad.

Aucune description de photo disponible.

Juste pour ne pas oublier ces oubliés, pour qu’ils puissent conjuguer, espérons-le, d’autres verbes que les verbes confiner, subir, souffrir... et pour éviter que ces territoires palestiniens ne figurent un jour dans "l’Atlas des pays qui n’existent plus" Editions Autrement.