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    15 août 2017

    Riche commerçant pékinois M.Yao vit dans l'opulence sans se soucier de ses affaires qu'il a confiées à son beau-frère. Libre-penseur et taoiste, il est à la tête d'une famille nombreuse et aimante. Il ne souhaite pas que ses filles bandent leurs pieds et veut qu'elles fassent des études. Son seul souci est son fils aîné, Tijen. L'héritier de la fortune familiale est une forte tête qui désobéit sans cesse à son père, ne s'intéresse ni aux études, ni aux affaires, dépense sans compter et s'est entiché d'Ecran d'Argent, une simple servante. Heureusement, ses filles lui donnent toute satisfaction, surtout Moulane, la deuxième, qui est ne se contente pas d'être très belle, elle est aussi vive, intelligente et possède les meilleures manières du monde. Par son intermédiaire, les Yao se sont liés aux Tseng, une autre famille très en vue à Pékin. Leur amitié remonte à l'année 1900 quand les Yao, fuyant la capitale devant l'avancée des Boxers, avait été séparés de Moulane, enlevée et séquestrée par des voleurs d'enfants. C'est M.Tseng, reconnaissant l'enfant, qui avait payé la rançon et délivrée la petite fille. Depuis, les deux familles sont unies par des liens d'amitié, de respect et de gratitude et les Tseng verraient d'un bon œil un mariage entre Moulane et leur troisième fils, Sunya. Parmi les jeunes chinois, des idées nouvelles circulent, venues d'Occident, dont celle d'un mariage choisi et non imposé par la famille. M.Yao, adepte du progrès, caresse parfois le projet de laisser ses filles libres de se choisir un époux, mais la tradition est plus forte que ses bonnes intentions...

    A travers le destin de Moulane et de ses proches, Yutang Lin raconte la Chine du début du XXè siècle, une époque tourmentée où le pays hésite entre repli sur soi et ouverture sur le monde. Loin de nous infliger un cours d'histoire, il passe rapidement sur la révolte des Boxers et le pouvoir central aux mains de l'impératrice douairière, pour s'attacher au mode de vie très codifié des riches pékinois. Chaque visite à des amis prend des allures de cérémonie. Il faut choisir la tenue adéquate, apporter le cadeau qui convient et faire montre de respect envers les hôtes. Ce cérémonial est à son apogée lors des mariages, somptueux, et des enterrements qui le sont tout autant. La cellule familiale est le fondement de la société, et là aussi les règles sont immuables, concernant les rapports parents/enfants, l'éducation des filles, les unions ou le traitement des domestiques. Pourtant, ce mode de vie traditionnel est voué à disparaître. Les jeunes chinois partent étudier à l'étranger et reviennent des idées nouvelles plein la tête. Ils veulent s'habiller à l'occidental, se marier par amour, renient le confucianisme et rejettent les traditions ancestrales.
    Enfances chinoises est le premier tome d'une vaste fresque historique et familiale qui se lit avec délice. Les Yao, les Tseng et leur entourage vivent dans un monde à part où tout n'est que luxe, beauté, sérénité. En découvrir les trésors est un vrai plaisir. Et puis Moulane, notre guide dans cette Chine traditionnelle, est un personnage attachant, à la fois respectueuse et téméraire. Bien qu'ayant un caractère bien trempé, elle ne remet pas en question les décisions de ses parents, même si son cœur n'est pas loin de s'enflammer pour un jeune instruit qui ne lui est pas destiné. On aura plaisir à la retrouver, elle et les siens, là où on les quitte, les jeunes entrant dans la vie adulte, les plus âgées songeant à se retirer pour les laisser prendre les rennes et la Chine s'apprêtant à connaître d'immenses bouleversements. A lire pour une belle découverte de l'Empire du milieu.