Conseils de lecture
1663, Armand, vieux marquis malingre et maladif, au soir de sa vie, embarque pour la Nouvelle-France où il espère retrouver Loup son frère aîné disparu depuis des décennies. Il découvrira un territoire inconnu, dépassant tout ce qu’il avait pu imaginer, à mille lieues de l’Ancien Monde, l’Iroquoisie. Une plongée époustouflante dans une contrée des plus sauvages, régie par des hommes et femmes dont la beauté n’a d’égale que la fierté mais aussi l’histoire haletante et le portrait magnifique de deux frères ennemis, tellement différents et pourtant…. Un roman admirable qui vous emmènera loin, très loin.
Venise 1976. Dans la chaleur suffocante de l’été, Benjaminquejetaime et Julienquejetaime, ainsi surnommés par leur mère, ont encore l’innocence de leurs huit ans. Plus pour longtemps. Le prédateur guette sa proie et lors d’un bref moment d’inattention, Benjamin est enlevé à sa mère et à son jumeau. Quarante ans plus tard s’ouvre un procès, celui de Benjamin. Qu’a-t-il vécu et commis pour se retrouver, lui, la victime d’un monstre qui lui a volé son enfance, sur le banc des accusés ? Isabelle Desesquelles, auteur d’une dizaine de romans et récits, lauréate du prix Femina des Lycéens 2018 pour « Je voudrais que la nuit me prenne » livre à nouveau un roman bouleversant, tout en tension jusqu’au dénouement. Par son écriture, à la fois poétique et sans concession, sans langue de bois, elle chahute son lecteur pour narrer l’inavouable et pose la question de la construction de soi quand l’enfance, gémellaire qui plus est, est bafouée. Un texte qui vous empoigne et vous laisse exsangue.
Article in "Le Bruit qui court" - été 2019
La mort violente et suspecte, le 30 mai 1593, de Christopher Marlowe laisse planer mystère et trouble. Ce poète, dramaturge, contemporain de Shakespaere, est-il vraiment mort à cette date ? Emmanuelle Pirotte, de sa plume exigeante, solidement documentée, s’engouffre dans la brèche ouverte par les historiens. Elle accorde un délai de vie supplémentaire à cet homme de lettres athée, irrévérencieux, soupçonné d’espionnage, père du drame élisabéthain ; un court délai où la passion amoureuse va tout dévorer sur son passage. Une plongée dans l’Angleterre du 16ème siècle, un roman charnel, à haute charge sensuelle, un éloge de la féminité, une ode à la littérature, un hommage à un poète disparu.
Un plaisir de lecture
"Jean-Paul Dubois au meilleur de son art. Précis et ironique, ce nouveau roman est un petit bijou. Paul Hansen purge une peine de prison de deux ans dans l’établissement de Bordeaux à Montréal, pour un fait que Dubois dévoilera sur le tard. Il partage sa cellule avec Horton, un Hells Angel, ultraviolent et imprévisible, dans une promiscuité embarrassante. Paul était le « surintendant » d’un immeuble luxueux, gérant l’entretien des jardins, de la piscine, des climatiseurs, des parties communes mais aussi et surtout des âmes. Son père, d’origine danoise, était devenu pasteur sans croyance. Sa mère dirigeait un cinéma d’art et d’essai. Toute la force de Dubois réside dans sa faculté à porter une attention extrême à ses personnages avec un attachement réel, à dresser leurs portraits par petites touches en empruntant de beaux détours sans jamais perdre le lecteur. Ce roman est porté par une force narrative d’exception.
Dubois est un raconteur d’histoires, un artisan au service du lecteur."
Article 24/07/19 paru en août 2019 in "Le Bruit qui court"
Ronan Gouézec pratique le vagabondage côtier et littéraire, dixit son éditeur. Il pratique aussi, avec grande maîtrise, la pêche au lecteur, qu'il harponne pour ne plus le lâcher.
Caroff, ancien pêcheur, traîne ses misères sur la rade de Brest, pousse la porte de son mobil home pourri au fond d'une impasse industrieuse, entoure de ses bras sa femme et sa fille, ses seules bouées. Un paria. Caroff est un paria qui a, par folie ou inconscience, perdu un jeune matelot en mer. La rancune est tenace sur le Port, les marins ne lui font pas de cadeaux. Brieuc, lui, se refait une santé après le départ de sa femme, réapprend à vivre, entreprend. Ces deux là ne se connaissent pas, rien pour les rassembler. Et pourtant. Tranquillement, Ronan Gouézec serre le nœud coulissant de son intrigue. Il alterne avec talent scènes de pêche innocentes et balades en compagnie d'un couple de retraités. Caroff a basculé. Il a accepté un contrat et pêche désormais de la drogue en ballot en compagnie de deux petits caïds. Il a mordu à l'hameçon mais pense encore pouvoir échapper à la nasse. Bien sûr Caroff rencontrera Brieuc pour un feu d'artifice final. Paradoxalement ce "noir" se dévore mais s'apprécie aussi lentement. L'homme est un animal à apprivoiser ou à combattre dans une nature tour à tour superbe ou hostile, il est sûr de lui cet animal mais tellement minuscule face à l'océan.