Le polar à quai...

Jour 18 - samedi 04 avril - 20h00

Le polar à quai...

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Certainement que tôt ou tard nous serions arrivés à cette extrême situation, à cet extraordinaire ralentissement de l’activité et de l’inutile, à force d’appétits affamés par la soif du gain, cette envie d’accumulation si malsaine, cet oubli de ce qui nous entoure, cet oubli de la nature, cet oubli que nous sommes seulement une espèce parmi d’autres, nous y serions arrivés à cette extrême situation de confinement total et mondial.
C’est fou, cet après-midi, mes enfants ont vu, à distance, respectueusement, leurs grands-parents. Je rassure : nous sommes dans les clous car coïncidence nous faisions un tour et habitons à tant de mètres. Cela faisait trois semaines pour les uns et les autres. A distance, nous nous sommes regardés et parlés et me sont, toutes proportions gardées, venues les images de ces allemands, par le mur, séparés.
Je me dis depuis plusieurs jours que c’est une sacrée leçon. Espérons que nous serons nombreux à la retenir, à l’analyser et à faire un demain joyeux, solidaire et intelligent d’humanité.

Et puis ce qui nous manque au fil des jours représente ce sel de la vie (merci Françoise Héritier), ce seul supplément de vie qui rend le quotidien plus heureux, ces petits bonheurs que nous avons tendance à ignorer, à oublier au fil du temps. Cette situation extrême permet d’en faire le compte de ces plaisirs qui désormais, puissamment, manquent. Réfléchir à tout, se demander si tel besoin est réellement essentiel, si celui-ci n’est pas créer pour en enchaîner un suivant, pour un petit moment de satisfaction tellement éphémère. Quelques semaines et se dire que cet inutile est un parasite.

Moi ce qui me manque c’est ces rendez-vous depuis si longtemps notés sur l’agenda. Bien sûr ces moments familiaux ou amicaux, une table et des amis, des rires et des complicités, des plats mijotés et partagés, des vins chambrés enchanteurs.
Bien sûr ce métier, celui de jouer au passeur entre l’écrivain et le lecteur, celui de vous accueillir, de vous voir les bras chargés des paniers du samedi, l’odeur du poulet rôti vers 12h00, les habitués de l’après-midi qui passent dans leur pâtisserie préférée et viennent, gourmands, sens en éveil, se « pauser » en librairie.
Bien sûr vous me manquez, vous nous manquez. Et ces messages reçus, ces coups de fil impromptus et même du bout du bout du monde (de Belmont de la Loire… merci G et C) que de baume au cœur.

Et puis me manquent sur l’agenda professionnel et amical à la fois, ces rencontres extérieures, régulières, belles, enrichissantes. Le Carnet à spirales, librairie à la campagne dans une petite ville, qui participe activement à ces événements incroyables. Nous devions être présents au Salon du Livre de Paris avec nos potes des Librairies Intitiales pour tenir le stand Editions du Seuil et Editions Métailié, quel panard… Et puis notre Quai du Polar à Lyon Quais Du Polar . En compagnie de mon collègue parisien, mais néanmoins ami, du 16e arrondissement (néanmoins ami encore) le grand Stanislas Rigot de Lamartine Paris nous devions, à l'Enssib , devant un public de professionnels, faire, le matin, un panorama de l’année écoulée en Polar (coups de cœur, tendances, découvertes…) et l’après-midi proposer à ce même public une sorte de « boite à outils » pour bien préparer une rencontre avec un auteur. Et bien c’est foutu mon Lulu… Nous avions pourtant bossé comme des bêtes, pas vrai Stan ? La petite merdouille de virus a eu raison de nous et de vous Quai du Polar. Septembre est encore loin mais Festival America se rapproche, croisons les doigts…

Alors aujourd’hui une pensée pour ceux qui portent chaque année des manifestations culturelles et donc plus particulièrement autour du livre et qui voient leurs efforts anéantis.
Libraire et lecteur je tiens à les remercier infiniment de porter ainsi ces fêtes, ces festivals, ces lectures. Un coucou particulier et local aux bénévoles Amis du festival BD "Bulles dans le lac" Cublize / Lac des sapins .

Créatifs soyons. Imaginatifs ils le sont. Quai du polar a lieu en ce moment et de manière virtuelle. Vous pouvez suivre le programme sur leur site et participer ainsi à ce phénoménal rendez-vous du Noir dans le si beau Lyon. Pas de chasse au trésor cette année mais une soif encore intact de lire et proposer. Ce n’est pas le désert culturel, c’est une oasis ! Alors promenez-vous virtuellement à Lyon au Quai, consultez la gazette du Festival, vous y retrouverez le Carnet à spirales car nous avions bien bossé pour cette édition. Cerise sur le soufflé dégonflé vous trouverez une interview que j’ai eu le bonheur de mener avec Léonardo Padura. Merci à PAGE des libraires pour cette chance. https://www.pagedeslibraires.fr/…/Leonardo_Padura_Page_Poin…

Parlons polars alors pour ce week-end. Voici quatre choix de l’année que j’ai absolument aimé, dévoré, conseillé, partagé : un dur métier donc… Bonnes lectures et surtout restez chez vous, c’est long certainement mais que c’est court dans la vie d’un homme quelques semaines et que c’est bon de se replonger en soi, de replonger dans d’anciennes lectures et de faire descendre la pile de livres en attente. Portez-vous bien, un libraire bien triste de ne pas vous voir…

Voyageons en Corée du Sud, en Indes, en Afrique du Sud et en Ecosse.

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« Sang chaud » - Un-Su Kim – Editions Matin Calme. Janv.20
Une magistrale lecture pour le premier titre de l’éditeur. Une guerre de gangs en Corée dans un port éclate car certains voulaient croquer du gâteau. Cela démarre tranquillement, un peu comme une chronique des rues, avec ce soin si précieux de donner corps et âmes aux personnages, puis cela s’accélère pour finir en apothéose. Dans cette Corée même les truands ont le respect des coutumes et des anciens mais tout peut déraper. Promis vous ne mangerez plus de flétans…

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« L’attaque du Darjeeling-Calcutta » - Abir Mukherjee – Éditions Liana Levi Oct.19
Découverte de la fin d’année 2019, ce très fin polar à fond historique se déroule en 1919 à Calcutta, sous l’emprise de l’empire colonial britannique. Débarque dans la moiteur accablante de la ville, le capitaine Wyndham, qui va, cadeau de bienvenue, hériter d’un estimable cadavre. Il va découvrir que cette enquête est une véritable chausse-trappe et que les ficelles sont tirées par de biens dangereux personnages. Le premier récit des aventures du capitaine Wyndham : à quand la prochaine ?

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« Black Star Nairobi » - Mukoma Wa Ngugui – Éditions de l'Aube
Deux enquêteurs Ishmael et O sont entrainés sur une pente bien glissante qui les mènera jusqu’aux Etats-Unis, en passant par le Mexique. Une plongée violente et singulière dans le ton dans une Afrique du Sud où la corruption, les élections prochaines et la peur d’un conflit ethnique, rendent chaque pas délicat, rendent chaque action dangereuse. Tendue comme une arbalète ce noir de chez l’Aube est une réussite dont le lecteur ressort rincé.

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« L’enfant de février » - Alan Parks – Éditions Rivages
Après un excellent cru de janvier (Janvier noir – dispo en poche), Alan Parks revient pour une nouvelle enquête de son inspecteur tourmenté (c’est un doux euphémisme) Mc Coy et de son adjoint Wattie dans un Glasgow sous la pluie de 1973. Happé dès la première page le lecteur glisse dans une noirceur particulièrement bien maitrisée. Tourmenté Mc Coy, on le serait à moins…