Le Fric c'est chic

Jour 10 - Jeudi 26 mars - 18 h 30

Le fric c’est chic

L’argent n’a pas d’odeur et le virus (qui n’a pas d’odeur non plus et de surcroît fait perdre l’odorat), lui, n’a pas de pitié, ni pour les riches, ni pour les pauvres. En revanche, en y réfléchissant bien... Je ne suis ni statisticienne, ni experte en quoi que ce soit  (Ah si les lasagnes...) il me semble ne pas me tromper en affirmant qu'il existe beaucoup plus de risques de mourir du covid (et d'autres virus et maladies) quand on est pauvre. Double peine.

J'en veux pour preuve cet article paru dans Courrier International concernant une chaîne d' hôtels de luxe située en Suisse qui propose à ses clients, des riches donc, de séjourner 14 jours consécutifs dans des suites "spéciale quarantaine" avec à disposition des tests de dépistage, un médecin qui vous visite quotidiennement,  des chefs qui vous concoctent des menus gastronomiques, un room service aux petits oignons. J'espère quand même qu'ils ont pensé à aménager des créneaux horaires pour le spa, la piscine à débordement et la salle de muscu sinon, tout confinés qu'ils sont, ils vont finir par le choper,  le corona. Oui mais le corona de luxe madame... Je ne vous parle pas des gels hydroalcooliques parfumés à la tulipe qui s'arrachent à 38 euros le flacon de 450 ml ou des masques de luxe avec plusieurs couches de filtration dont je vous tairai le prix pour ne pas vous écoeurer. Bref, tous confinés mais pas logés à la même enseigne. Pour certains, pas logés du tout.

Et vous me direz, à part dans les palaces helvétiques, les yachts de 100 m de long et les domaines californiens ou tropéziens de 10000 hectares, où donc se confinent-ils ces ultra riches ? Eh bien par exemple dans le nouveau et grand et puissant et caustique et formidable et intelligent roman de Joseph Incardona "La soustraction des possibles" . Certes l'intrigue se déroule en Suisse (quel hasard) fin des années 80 début des années 90  en plein effondrement du bloc communiste. Mais l'argent est un virus intemporel qui se balade indifféremment d'époque en époque .

Nous voilà donc catapultés à Genève en 1989, ambiance feutrée derrière les clôtures de villas luxueuses,  voitures de sport rutilantes, façades cossues dissimulant des coffre-forts, femmes raffinées de banquiers et de PDG. Justement, Aldo est professeur de tennis pour ces dames et il cultive une passion évidente pour leur joli postérieur et encore plus pour le compte en banque de leur mari. La dernière en date, une quinqua bien conservée, tombe raide dingue de lui et lui offre la possibilité d'amasser des billet et de se faire un nom au sein de cette société hyper cadenassée.  Mais à force d'avoir les dents si longues qu'elles rayent le parquet, on finit par se les casser, surtout quand on est prof de tennis de petite extraction et que l'on tombe amoureux pour de bon d'une jeune financière superbe qui vient aussi d'un milieu prolétaire et qui a des canines encore plus proéminentes. Blanchiment d'argent, évasion fiscale, filles de l'Est, banquiers véreux, mafia corse, élimination de témoins gênants... Joseph Incardona passe tout au crible de son écriture acérée et de son humour décapant. Amour, gloire et beauté, c'est à dire en langage de riches, stupre (et stups aussi), pouvoir et fric.

Joseph Incardona, :  vaccin contre la bêtise garanti sans effets secondaires sauf lucidité et humour.

A prendre sans modération en infusion du soir ou directement en intraveineuse.

A lire aussi absolument : Chaleur - Finitude (2017) - Derrière les panneaux il y a des hommes - Finitude (2015)

Chaleur / romanDerrière les panneaux il y a des hommes

"Les banquiers sont des hommes et des femmes comme les autres. Ils ne meurent ni plus ni moins que les autres. Toutefois, il arrive souvent que leur mort soit en corrélation avec leur métier. Je parle principalement des banquiers qui nichent au sommet de la pyramide. Pour les employés des étages inférieurs, c'est forcément moins glamour : il s'agit de tenir et de s'accrocher au-delà des 50 ans, d'éviter le chômage et la dépression. C'est un métier qui fait appel aux forces vives de la jeunesse, se nourrissant de sa lymphe et de ses désirs à exaucer. Il existe des écoles pour ça, des universités mondialement réputées qui vous moulent et vous lancent dans l'arène. Il suffit d'adhérer. Vous êtes pris en charge. Le terrain de jeu est défini, ses règles établies dans les grandes lignes. Cadre. Structure. Mode opératoire. Le système vous accueille et vous fait une place. Le système se perpétue. Harvard, Yale, Oxford. Le système divise pour mieux régner. Crée la concurrence. Pour lui-même. Le système n'a plus de début ni de fin. Il est devenu comme Dieu."