"L'usage du monde"

Jour 7 - lundi 23 mars 2020 - 19h20

"L'usage du monde"

 

A l'aube, ce pré-jour que j'aime tant (voir le premier billet de ce journal), ce commencement d'une nouvelle journée, vierge journée en ces temps mouvementés, devant ma tasse de café et un ciel un peu tourmenté, j'ai pris sur la pile de BD, l'adaptation par Virgile Dureuil du récit de Sylvain Tesson "Dans les forêts de Sibérie" Casterman BD et je suis parti.

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J'ai laissé, à l'aide de celle-ci, mon esprit (ma tête devrais-je dire) vagabonder en terres lointaines. C'est un récit, un ermitage dans une cabane en rondins, c'est un oubli de l'autre, une mise en retraite.

 

"...je jouais au loup, à présent je fais l'ours. Je veux m'enraciner, devenir de la terre après avoir été au vent. L'homme libre possède le temps. L'homme qui maitrise l'espace est simplement puissant. En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Dans la cabane, le temps se calme, il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain, on ne sait même plus qu'il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont."

 

Revenir à une sorte d'essentiel dans cette cabane

 

"Cette vie procure la paix. La lecture, l'écriture, la pêche, l'ascension des versants, la flânerie dans les bois... L'existence se réduit à une quinzaine d'activités. Le naufragé jouit d'une liberté absolue mais circonscrite aux limites de son île".

 

Bon il picole aussi beaucoup et fume des petits cigares ce qui me semble est particulièrement gênant au moment de conserver ses sens en éveil, au moment de se rapprocher du rien absolu.

C'est fou ce besoin que nous avons, en tout cas que j'ai, dans ces moments calfeutrés, de partir sur la route de mes grands plaisirs de lecteur, Jack London, Joseph Conrad, Ella Maillard, Bruce Chatwin, le souvenir d'André Brugiroux "La terre n'est qu'un seul pays" et plus récemment Jim Tully.

Un lecteur bien couard, un voyageur immobile toutefois.

 

Un peu l'idée de la librairie d'ailleurs : aller en rencontres, défricher des terres romanesques inconnues, confronter les idées, mélanger les cultures et tout cela de son fauteuil. Regarder les mésanges dévorer à une vitesse incroyable le stock de graines à leur disposition. Ça bouffe une mésange... Et se rêver sur la route et en faire bon usage.

C'est l'idée de la librairie depuis le début : ne pas utiliser l'autoroute mais les sentiers (cela ressemble à Didier Barbelivien...), oser des thématiques, mettre en avant des éditeurs, des auteurs, tenter cela sans tenir compte des mises en garde, de ce qui se fait ou ne se fait pas d'ailleurs, en gardant l'œil curieux en permanence.

 

La récompense arrive, la boucle est bouclée, la route s'achève un temps, c'est l'usage du Carnet, c'est "L'usage du monde" de Nicolas Bouvier, et cela me revient en buvant mon café ce matin, c'est le dernier livre que j'ai conseillé avant de clore la librairie, samedi 14 mars vers 19h20 . Finalement, un signe ou un aboutissement : terminer par "L'usage du monde" pour un étudiant .Terminer par cette pièce maîtresse et peut-être fondatrice de cette réflexion de l'écrivain-voyageur, du voyageur-écrivain. Je sais que Baptiste, cet étudiant, passe son confinement en déconfinement, se promène en compagnie de Nicolas Bouvier.

C'était le dernier conseil avant de clore ce chapitre.

C'était une porte ouverte vers l'aventure.

 

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Nicolas Bouvier "L'usage du monde" et ses autres titres chez Editions Zoé Editions La Découverte

"Ce jour-là, j'ai bien cru tenir quelque chose et que ma vie s'en trouverait changée. Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centre de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr."

"La vertu d'un voyage, c'est purger la vie avant de la garnir."