De la beauté et du courage

Jour 5 - samedi 21 mars

C'est d'une tranquillité ce samedi, tellement éloignée de cette agitation qui anime habituellement Charlieu, avec le marché au matin et vos venues, parfois lointaines, l'après-midi pour errer une heure ou deux dans les allées de la librairie.

Le samedi c'est notre journée. C'est notre cerise sur le gâteau. Des conseils, de l'accueil, des discussions, des échanges (ces revues de presse que nous préparent certains me manque déjà...). C'est notre pain d'épices.

C'est un premier samedi sans vous, il y en aura d'autres, reste à savoir combien. J'avoue que cela me fout un peu le bourdon aujourd'hui malgré le bonheur que j'ai à rester avec ma famille. De la beauté et du courage.

Tiens de la beauté et du courage, les thèmes retenus par le Printemps des Poètes en 2019 pour la beauté puis en 2020 pour le courage. Printemps des Poètes, cet événement qui permet chaque année de se faire une piqûre dans le bras (ou ailleurs) sur l'importance de ces poètes qui, en quelques vers, réussissent à émouvoir. Boris Vian, ah Boris Vian, cet éclair, cette traversée si singulière du siècle dernier, aurait eu 100 ans le 10 mars 2020. Nous avions préparé une table sur Boris Vian à la librairie. Je l'ai regardé ce matin, me suis arrêté et ai tourné quelques pages. Le génie est de durer, n'est-ce-pas, d'être intemporel. Le poète est-il un héros, un esprit continuellement en éveil, un témoin. La réponse est là, sur cette table, juste à côté Anna Akhmatova.

Anna Akhmatova dont les entretiens avec Lydia Tchoukovskaïa ont été édités pour la première fois en intégralité en 2019 aux éditions Le bruit du temps. Une masse, un témoignage d'une époque où la liberté était réduite à peu,  à si peu que l'on mesure aujourd'hui cette chance que nous possédons.

"Dans ce clapotis de lune angoissée,

La ville se délite, empoisonnée ;

Aucun espoir de trouver le sommeil.

Je vois dans un chaos verdâtre

Non pas mon enfance, non pas la mer,

Non pas le vol nuptial des papillons,

Sur les narcisses de Tsarskoïé Siélo

En je ne sais quelle année mil neuf cent seize...

Mais la danse à jamais figée

Des cyprès sur ta tombe"

 

Décembre 1928 - Léningrad

 

Anna Akhmatova - "Requiem - Poème sans héros" - Poésie / Gallimard

 

Lydia Tchoukovskaïa - "Entretiens avec Anna Akhmatova" - Ed Le Bruit du Temps