Italie, belle Italie.

Jour 38 - samedi 25 avril - 20h45

Italie, belle Italie.

En me permettant une petite errance sur la toile, telle une araignée tissant inlassablement, je vis notre confinement en le confrontant à ceux d’autres pays. Je jauge ma misère de confiné à d’autres et je me dis que franchement je suis bien loti. Cela aide à passer le temps, le cap, cet oubli de ce que nous étions, cette perspective de ce que nous serons, de ce que nous devrions devenir. Bien malin celui qui pourra dire de quoi l’avenir sera fait. Marabout, paiement après résultat…

Et donc les presses nationales sont essentielles pour se forger des opinions, pour justifier des propos. La lecture franco-française, outre le fait qu’elle ne suffit pas, est bien souvent incomplète ou plus exactement une certaine interprétation des faits peut conduire à une sorte de désinformation.
L’un des pays que je suis le plus actuellement est l’Italie. Bien entendu, le fait qu’il ait été le premier pays européen frappé par le microbe mondialisateur, que ses habitants soient confinés depuis le 04 mars, n’est pas étranger à cet intérêt. Toutefois, grand voyageur immobile que je suis, incapable de prendre un billet d’avion, de prévoir un voyage car le voyage me parait beau que s’il est fait d’imprévus (heureux de préférence), possesseur d’une carte d’identité mais non d’un passeport, je n’ai que peu de connaissances physiques, d’odeurs, de parfums, de ressentis, de paysages hors frontières. Je voyage le plus souvent en France, que, prétentieux, je crois assez bien connaitre et je voyage en esprit partout ailleurs. Cet ailleurs que je ne connais si peu mais finalement tout autant que la masse du touriste de masse sur l’autoroute du souvenir. Alors quand finalement je pars, je m’envahis de ces parfums, je m’immerge, j’essaie de poser le regard sur l’infraordinaire, sur le quotidien, me posant les questions les plus farfelues possibles.
Et là en Italie, après avoir erré une semaine de villes en villages, d’hôtels en restaurants, avec la carte dépliée sur les genoux, le GPS muet, avec ma belle Christèle dont c’est l’anniversaire aujourd’hui (vous avez donc le droit de lui souhaiter….), j’ai découvert de la Toscane cet art de vivre que j’aime tant. Que de places de villages aux jolis ombrages, que de vies dans les rues, que de couleurs sur les murs et volets, que de petites routes non éclairées, d’allées magnifiques bordées de cyprès, que de petits Fiats, ces pots de yaourt irrésistibles. La beauté. D’un côté les oliviers et de l’autre les vignes. Quitte à mourir autant être bien entouré. Léo Ferré ne s’y est pas trompé. Nous avons aimé cette Dolce Vita, tellement, qu’après avoir été privés de vacances une année, nous nous sommes offert le luxe d’une quinzaine estivale dans une vieille et digne maison, parquets craquants, portes lourdes closes par des loquets, dans le silence assourdissant des grillons heureux. Champs d’oliviers à perte de vue. Calme. Beau et bon. Bien sûr c’est la Toscane. Les Italie(s) sont nombreuses, différentes. Chacune son caractère. Plus tard, irons-nous dans les Pouilles ou en Terre Cinque ? Cela nous ne le savons pas mais l’envie est forte de découvrir une autre Italie.
Ce qui m’a marqué dans notre premier abandon en terre italienne, c’est cette vie. Et pourtant je vis dans une petite ville d’exception. Mais tous ces villages traversés, tous, possédaient ces commerces et lieux qui font la vie. Combien de cafés, et quel café, d’épiceries, de boucheries, de Trattoria, de magasins de fringues indépendants. Ces cafés, tous pourvus de ces trancheuses à jambon d’un rouge étincelant, de ces banques réfrigérées où attendent des amours d’anti-pasti ou de tiramisu. Ces boucheries-charcuteries où les saucissons et les jambons pendent du plafond, une canopée de charcuteries, une forêt à manger. Et des prix pratiqués à faire pâlir un hard-discounteur. Du monde dans les rues et la beauté de cette langue chantée. En me promenant je me suis dit que l’Italie, ce coin d’Italie car pour le reste je ne sais pas, a peut-être trente ans de retard. Je retrouvais la vie de nos villages de campagne de quand j’étais gamin. Ces places de marchés joyeuses. Ces gens qui s’interpellaient, qui soupesaient le fruit, le légume, qui comparaient la fraîcheur de cet étal, qui dépliaient avec cérémonie le billet. Désormais, on caddie, on carte bleue, on mange sous cellophane et du pain blanc industriel, on voiture pour un rien, on ne sait plus s’ennuyer on ne sait que s’emmerder. J’ai retrouvé là-bas la beauté de cette vie.
Alors en regardant d’un peu plus près, en vivant une quinzaine italienne dans un petit village, j’ai compris.
J’ai compris que cette Italie-là avait 20 ans d’avance. Que ce que nous avions inlassablement construit, ce tissu de vie, nous l’avions détruit en quelques années seulement. Eux étaient restés. Avaient poursuivi cette vie faite de proximité, de producteurs locaux. Ah comme j’ai bien mangé et bien bu en Italie. Nous sommes satisfaits de parler de circuits courts chez nous. Dans ces coins italiens où nous étions, ils n’en parlaient pas. Ils les vivaient seulement, depuis toujours, clairement, comme une évidence. Comme une évidence. Alors c’est vrai si les routes n’étaient pas d’une largeur folle, c’est que les camions étaient moins nombreux à passer. Ils viennent que si nécessaire. Et nul besoin de ronds-points pour desservir les grandes surfaces, les centres commerciaux et les zones commerciales de forme « boites à chaussures » car il n’y a que des centres villages. Loin de la diagonale du vide. Loin de cette triste réalité qui fait de l'éloignement d'un village dans nos coins reculés, une vie entre parenthèses.
Alors je lisais que l’Italie se retrouvera économiquement au niveau connu en 1999. Que le déconfinement démarre peu à peu. Cette Italie si fière était hier déjà morcelée par des luttes intestines de volontés d’indépendances régionales. Simplement les régions riches ne voulaient plus payer pour celles beaucoup plus pauvres. Le sentiment d’appartenance nationale, « d’amour à l’italienne », a été exacerbée par cette période. Nombre d’italiens voyaient en l’Europe la cause de leur déjà soucis. Combien de pays seront dès demain, déconfinement lent, confrontés à ces sentiments paradoxaux, celui de la fierté nationale et de la volonté de se « recentrer », de fermer certaines vannes avec ce besoin d’Europe pour juguler la crise économique. En profiter sans y être. Enfermés, ouvrons-nous. Plutôt que de chercher à détruire, construisons, édifions des sociétés où la culture sera la priorité absolue. Car, certainement, que cette culture, qui ne veut pas dire élitisme source de discriminations, deviendra culture de vie et on réapprendra le désir et la modération, la patience et le plaisir. Cette culture sera art de vivre, rempart contre la dictature, l’oppression et le partisianisme. J’ai aimé ces lieux, arpenté en long et en large, car le temps semblait s’être suspendu. J’ai aimé voir que le terme de commerce n’était pas un gros mot.
Commercer est si proche de converser, de conserver. C’était haut en couleurs, c’était rond et vert de paysages, c’était beau et émouvant. C’était l’Italie visitée au printemps 2016 et séjournée à l’été 2019 et c’était bien, et c’était bien (Merci Bourvil, « Le p’tit bal ».

Alors encore un peu d’Italie pour ce soir. La littérature italienne a une belle place au Carnet. Quelques idées : Paolo Cognetti, bien sûr, merveille… Elena Ferrante, évidemment. Et aussi deux découvertes de l’année 2019 et une gourmandise.
Joli samedi soir…

« Borgo Vecchio » - Giosuè Calaciura – Éditions Noir sur Blanc

C’est une plongée dans les quartiers pauvres de Palerme où les habitants, au prix d’une solidarité farouche, vivent au rythme des joies et des peines. C’est un roman aux personnages forts. C’est un drame. C’est court et vif. Une langue inventée, rapide comme un torrent, fluide et claire comme son eau. On suit Mimmo et Cristofaro. On fait connaissance avec Celeste et Carmela. Et on court après Toto, le héros du quartier, pickpocket insaisissable, homme aux semelles de vent, cœur tendre. Une claque à l’italienne.

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« L’été meurt jeune » - Mirko Sabatino – Éditions Denoël

Dans les Pouilles en 1963, trois copains s’ennuient sous la chaleur accablante qui rend le sol poussiéreux. Ils guerroient gentiment avec la bande rivale. Ils se jurent fidélité, au sang. Peu à peu la tension monte, le drame se noue. C’est un livre absolument magistral qui entraine les lecteurs dans les tourments de l’âme humaine. Au curé de s’y brûler.

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« Balade gourmande en Italie » Laura Zavan & Valérie Llhomme – Mango Cuisine
Une traversée de l’Italie par les produits, les recettes, les adresses. Une traversée touristique et gourmande. Cette construction par région est absolument pertinente pour comprendre les Italies. Comme la nourriture est révélatrice de la culture locale. Cette balade est une belle incitation à cuisiner de beaux et frais produits, produits de saison. Cette cuisine italienne si belle car elle fait la part belle à ceux-ci sans multiplier à outrance les besoins, le matériel. C’est beau et bon. Testé et approuvé.

Balade gourmande en Italie